homme qui marcheComment la kinésithérapie peut-elle aider les médecins et les patients ? Mieux connaître les capacités et les limites de la kinésithérapie pour savoir quand la prescrire et qu’en attendre.

Le 10/05/2021
Disclaimer : Je déclare comme conflit d’intérêt le fait d’être moi-même kinésithérapeute. Mon propos ici se veut le plus neutre possible et je citerai mes sources tout le long de ce billet. Cet article est le reflet de ma volonté de voir le parcours de soin de nos patients le plus facilité et efficace possible.

Quels sont les domaines d’exercices de la kinésithérapie ?
- Tout ce qui concerne les troubles de l’appareil locomoteur.
La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement :
1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ;
2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles.

Article L4321-1 du code de santé publique

Que dois-je faire figurer sur la prescription ?
- Uniquement ce qu’il y a à traiter, à savoir « lombalgie » ou « rééducation du genou gauche », le reste est superflu car les moyens mis en place lors de la rééducation sont décidés après le bilan-diagnostique kinésithérapique. Préciser des outils kinésithérapiques génériques comme « massage » ou « TENS » entraîne une possible méfiance du patient si le kinésithérapeute n’exerce pas ces recommandations à la lettre. Bien évidemment toute indication spécifique à la situation du patient est bonne à préciser (par exemple une scapulalgie chez un patient avec un antécédent d’AVC)
Lorsqu'il agit dans un but thérapeutique, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sur prescription médicale et peut adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d'un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d'actes de masso-kinésithérapie datant de moins d'un an.
Article L4321-1 du code de santé publique

Le kinésithérapeute à qui je fais confiance peut-il en abuser ?
- La sécurité sociale veille à ce que la consommation de soins ne soit pas abusive, les soins se prolongeant au-delà de 30 séances sont souvent soumis à demande d’accord préalable (DAP) auprès de la sécu.
Par exemple les entorses externes récentes de la cheville (10 séances) ou les lombalgies communes (15 séances, renouvelables une fois par an)
Liste des DAP en kinésithérapie

Les kinésithérapeutes bénéficient-ils de l’accès direct ?
- Un projet de loi est en cours pour que des kinésithérapeutes puissent bénéficier d’un accès direct pour les lombalgies et les entorses de chevilles, mais uniquement dans le cadre d’une affiliation des pratiques avec un médecin au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire. Pour le moment, ils sont systématiquement soumis à prescription.
Site de l’ordre des kinésithérapeutes

Dois-je le prescrire avant / après d’autres traitements ?
- Pour les problèmes non traumatiques, les traitements plus invasifs tels que la chirurgie ne sont conseillés qu’après échec de la kinésithérapie. Le soin de première intention est le traitement de la douleur et la restauration la fonction, que ce soit par prescription de médicaments antalgiques, kinésithérapie ou infiltration. En voici quelques exemples :
Recommandation de l’assurance maladie pour l’épaule
Recommandation de l’assurance maladie pour les tendinites de l’avant-bras
Recommandation de la HAS pour les lombalgies

Et après la chirurgie ?
- Les recommandations sont une prise en charge précoce (idéalement dans le 72h après l’opération). Ceci permet une remise en mouvement précoce et sécurisée en accord avec les protocoles chirurgicaux, de détecter des signes d’alertes tels qu’une douleur infectieuse, de vérifier la compréhension des consignes chirurgicales par le patient et de s’assurer de la mise en place des bonnes pratiques d’auto-rééducation.
Recommandations de retour à domicile après hospitalisation

Un kinésithérapeute peut-il guérir d’une hernie discale ou de l’arthrose ?
- Ces signes radiologiques sont des marqueurs de l’avancée dans l’âge. La bonne nouvelle, c’est que l’âge, ce n’est pas une maladie ! Les signes présents sur une imagerie ne sont pas forcément, et même rarement, les raisons expliquant des douleurs. La plupart des lésions retrouvées à l’imagerie sont souvent présentes depuis longtemps. La kinésithérapie ne pourra pas rajeunir les tissus, par contre pour ce qui est de soulager la douleur et retrouver du mouvement, c’est tout à fait l’objectif de la kinésithérapie.
Infographie sur la prévalence de l’imagerie chez des patients non douloureux

Et au contraire, un kiné peut-il avoir une action sur un patient ne présentant pas de lésion à l’imagerie ?
- Nous savons aujourd’hui que les symptômes ne sont pas toujours associés à des lésions à l’imagerie, qu’une douleur perçue au niveau du dos par exemple n’est pas signe systématique d’une lésion à ce niveau. Les ruptures de la coiffe asymptomatiques chez les personnes âgées l’illustrent bien. Le rôle du kinésithérapeute dans ces situations est avant tout de réinformer, rassurer, et lutter contre les douleurs liées à l’absence et la peur du mouvement. L’arsenal de la kinésithérapie basée sur les preuves fait beaucoup moins appel à des thérapies passives n’ayant pas réellement fait preuve de leur efficacité pour aider le patient à aller mieux. Citons pour exemple les ultrasons, l’électrothérapie antalgique (TENS), les ventouses (désormais proscrites), les fascias, et même le massage (et bien d’autres…) ! Par contre le mouvement, l’activité physique, et les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) adaptées en kinésithérapie ont prouvé leur efficacité.
La rééducation actualisées des douleurs chroniques

Quelques cas spécifiques :
- Les plagiocéphalies
Elles sont prises en charges en kinésithérapie pour donner des conseils et accompagner les parents, et traiter les torticolis congénitaux. Par contre pas de traitement manuel du crâne, son expansion se fait spontanément durant la croissance de l’enfant si l’on évite les facteurs générateurs de plagiocéphalie.
Fiche de la HAS sur les plagiocéphalies
- La kinésithérapie respiratoire pour la bronchiolite du nourrison
La place de la kinésithérapie dans le cadre de la bronchiolite, jusqu’à publication de preuves d’efficacité du drainage bronchique, comprend l’accompagnement et l’éducation thérapeutique des parents et le drainage rhino-pharyngé (DRP).
Recommandations de la HAS sur la bronchiolite aigüe

Florent VIOSSAT